L'Islam : Religion de LIBERTE - EGALITE - FRATERNITE
L’Islam est-il compatible avec la République ?
La République est-elle compatible avec l'Islam?
Est-il juste et légitime d’opposer ou de comparer l’Islam en tant que religion révélée – et donc œuvre de Dieu – à une construction imaginée par l’Homme – la République – pour décider de la possibilité de leur cohabitation ?
Doit-on comparer deux textes : l’un sacré, le Coran, et l’autre très important mais qui reste séculier et relativement récent, la Constitution ?
Nous n’allons pas poser la question sous cette forme.
Nous allons la poser dans l’esprit qui nous anime toujours :
Identifier ce qui rassemble et qui rapproche pour créer des ponts d’affinité entre les cœurs des Hommes, et leur donner envie de s’entre connaître.
« Liberté, Égalité, Fraternité » ! Trois mots qui sonnent pour nous Français comme une évidence. On ne peut pas imaginer qu’ils ne fassent pas l’unanimité parmi les Hommes, croyants et non-croyants. Les trois religions du Livre, comme les nomme le Coran, prônent évidemment la liberté, l’égalité et la fraternité.
Liberté
La liberté est l’une trois valeurs cardinales constitutives de la République, reconnue par la déclaration du 26 août 1789 comme un droit qui a permis à l’homme de quitter le statut de sujet pour celui de citoyen. L’Homme devenu citoyen va prendre part à la construction de son destin. Il ne subit plus ; il agit et prend conscience de sa responsabilité dans ses choix et ses actes. Il se plie aux lois qu’il aura lui-même élaborées au parlement et accepte les règles du jeu de la démocratie puisqu’il bénéficie de la liberté d’opinion et d’expression, de la liberté de parole, de la liberté du culte et de celle d’entreprendre et de se syndiquer.
Dans son article 1er, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » et précise plus loin, dans son article 4, que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Naître libre, c’est disposer de son destin et exercer son droit dans le respect des règles établies en commun à l’issue d’un processus démocratique choisi. Cette liberté donne à l’homme, en tant qu’individu, le droit de choisir ses croyances, sa vie privée, sa vie familiale, de circuler librement, d’avoir accès à la propriété et au travail, d’exercer le droit de grève, de se syndiquer et de disposer, en tant que citoyen, du droit de vote et de réunion, et de la liberté d’expression.
La Déclaration va encore plus loin dans l’élargissement du champ d’exercice de la liberté, puisqu’elle proclame dans son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ; tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »
On ne peut trouver définition plus complète et plus neutre. Elle rappelle les restrictions à respecter et les limites à ne pas dépasser dans l’exercice de cette liberté, faute de quoi on enfreindrait la loi censée la protéger. On en vient alors à s’interroger sur l’interprétation de cette loi, comme on viendrait mutatis mutandis à le faire au sujet de l’interprétation des versets coraniques.
Dans les deux cas, le moindre risque de dénaturation du sens, fut-elle volontaire, sera mis sur le compte de la faillibilité de l’Homme. C’est en effet lui qui s’est octroyé le droit de « parler, écrire et imprimer librement » et c’est encore lui qui n’hésitera pas à disposer de cette liberté, parfois au gré des circonstances et souvent en s’accommodant d’une interprétation aux contours imprécis de la notion d’« abus de cette liberté ».
Que dit précisément l’islam sur la liberté ?
Omar Ibn al-Khattab, compagnon et ami du Prophète, à qui il succéda comme deuxième calife, avait eu ce mot célèbre à l’adresse de quelques musulmans un peu trop zélés : « Depuis quand asservissez-vous des hommes que leurs mères ont mis au monde libres ? ». Cela se passait quelques siècles avant l’adoption de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, faisant de la liberté une valeur innée avant d’être acquise…
La liberté est entendue à cette époque-là comme liberté de croire ou de ne pas croire, dans une période marquée par la révélation de l’Islam et les premières conversions, mais aussi comme le début du rejet de l’esclavage et le refus de la domination de l’Homme par l’Homme.
Et comme la croyance en un Dieu unique est un terme récurrent dans le Coran, elle est toujours assortie de la notion de liberté pour être validée en tant que choix indépendant de toute contrainte :
10, [99] : Et si ton Seigneur l’avait voulu, tous les Hommes peuplant la terre auraient sans exception embrassé Sa foi ! Est-ce à toi de contraindre les Hommes à devenir croyants ?
On retrouve cette même mise en garde au sujet de la contrainte dans le verset :
2, [256] : Pas de contrainte en religion
L’importance accordée ici à la liberté de choix, et donc à la liberté de croire ou de ne pas croire, sera renforcée quelques années plus tard dans un autre verset :
109, [6] : À vous votre religion et à moi la mienne
Le rapprochement de ces deux versets, révélés dans des circonstances historiques différentes est tout à fait nécessaire, compte tenu de l’importance pour les exégètes de la notion de contexte et de circonstances de la révélation coranique pour une meilleure compréhension du message coranique.
L’Homme est donc tout à fait libre dans le choix de ses croyances pour autant qu’il n’essaie pas d’imposer les siennes aux autres. Il est libre dans l’expression de son opinion et dans la diffusion de ses idées à la condition qu’elles n’encouragent pas la subversion ni la désobéissance civique. On peut être très sceptique devant de telles affirmations quand on connaît l’état de délabrement de la liberté d’expression dans la plupart des pays musulmans, et les restrictions imposées aux citoyens, y compris dans l’exercice du culte.
Sur la liberté d'expression en particulier :
L'islam reconnaît le droit à la liberté de pensée et d'expression pour tous, à condition qu'elle soit utilisée pour propager la vérité et la vertu, et non pour répandre le mensonge et le mal. Il existe donc des limites morales à la liberté d'expression en Islam. La notion de limite à la liberté d'expression est d'ailleurs dans nos lois occidentales (ex. En France, la liberté d'expression est limitée par des garde-fous pour protéger contre la diffamation, l'injure publique, les propos antisémites, les propos incitant à la haine raciale ou faisant l'apologie des crimes...)
Réaction indiquée par le Coran à des injures : Endurance et piété.
3, [186] : Vous serez certainement éprouvés dans vos biens et dans vos personnes. Vous entendrez bien des injures de la part de ceux qui ont reçu les Ecritures avant vous, et de la part des idolâtres. Mais si vous êtes endurants et pieux, vous verrez alors que c'est bien là la meilleure résolution à prendre.
La liberté est une valeur fondamentale en Islam, car elle détermine l’ensemble des actions du musulman pour lesquelles il aura à rendre compte le jour du Jugement dernier, hormis celles accomplies sous la contrainte. Liberté de croire ou de ne pas croire, liberté d’entreprendre, liberté d’expression, liberté d’opinion… mais toutes ces libertés ont des limites énoncées dans le Coran et les enseignements du Prophète, et sont codifiées par la loi islamique.
Égalité
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, article 1er). L’égalité ne peut être dissociée de la liberté. Les deux valeurs font partie du patrimoine de l’individu dès sa naissance. On dirait dans le langage d’aujourd’hui qu’elles sont des « marqueurs » et qu’elles font partie de l’ADN de chaque citoyen français.
Deux valeurs fortes et d’égale puissance, garanties par les lois de la République qui assurent l’accès aux mêmes droits pour tous. L’égalité des chances, à travers l’accès à l’école, à la formation, au travail, au logement, aux loisirs, aux soins, etc. En bref, la justice, dans son acception la plus large, est accessible à tous. Autrement dit, la loi permet à chaque citoyen, sans aucune distinction, de saisir les mêmes opportunités et de bénéficier des mêmes protections.
De 1789 à nos jours, tous les régimes ont essayé sans succès de respecter les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et de veiller à l’application de la loi. Il ne pouvait en être autrement puisqu’il n’existait pas un seul exemple de cette société idéale, y compris dans des régions soumises aux pouvoirs des Églises censées pourtant faire partager aux hommes les idéaux de justice et d’égalité. Les cinq Républiques qui se sont succédées, n’ont jamais réussi à mettre fin à l’arbitraire, à l’abus de pouvoir et à l’injustice, y compris durant les périodes où l’Église, représentant la foi et la parole sacrée, possédait encore un certain pouvoir pour rappeler les valeurs fondamentales du christianisme. Bien au contraire, les représentants du clergé ont tout fait pour sauvegarder ce qu’il leur restait de privilèges après la Révolution de 1789.
Au fil du temps, les hommes et les femmes ont mené de véritables luttes pour conquérir d’autres droits politiques, tels que le suffrage universel masculin en 1848, et féminin beaucoup plus tard, en 1944. Des droits qui nous paraissent aujourd’hui élémentaires, comme les droits économiques et sociaux, n’ont été acquis qu’en 1882 pour le droit à l’éducation, en 1945 pour la protection sociale, et ce n’est qu’en 1946 que tous ces droits seront élargis aux femmes. Sans oublier de rappeler que ces victoires obtenues au nom de l’égalité ne l’ont été qu’après des années de luttes et de sacrifices.
D’autres victoires restent à conquérir telles que l’égalité homme-femme, l’accès au logement, à la santé et aux loisirs pour les plus démunis, la fin des discriminations à l’embauche, de la stigmatisation des minorités, ou encore la réforme de la fiscalité et la protection sociale dont le fonctionnement est fondé, au nom de l’égalité républicaine, sur la redistribution équitable de la richesse nationale et sur un financement équitable proportionnel aux revenus réels des citoyens. À ceux des plus pessimistes qui diront qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, on répondra que l’histoire nous a appris que rien n’est jamais acquis sans lutte et que d’autres combats restent encore à mener dans un monde de plus en plus dominé par la puissance de l’argent et la perte de spiritualité.
Il ne s’agit pas, bien évidemment de faire le procès de la nature humaine, mais de se rendre à l’évidence qu’une société égalitaire et juste relève du rêve et de l’utopie, et de considérer chaque fois comme une formidable victoire toute avancée qui va dans le sens de moins d’injustice et de moins d’arbitraire, et qui applique de la manière la plus équitable possible des lois qui garantissent l’égalité pour tous.
Que dit précisément l’islam au sujet de l’égalité ?
L’égalité est une des valeurs fondamentales du Coran.
Le Coran parle d’« égalité entre les gens » ou « entre les humains ».
Si, dans le monde séculier de la République, on ne doit pas confondre égalité et égalitarisme, c’est encore plus vrai dans le domaine religieux, et en Islam en l’occurrence, puisque Dieu proclame que tous les Hommes ne sont pas égaux et qu’il y aura toujours des riches et des pauvres :
42, [27] : Si Dieu avait prodigué sans mesure Ses richesses aux hommes, ces derniers auraient commis les pires excès sur la terre. Aussi leur accorde-t-il ce qu’Il veut, avec mesure car Il connaît bien la nature des hommes et lit si bien dans les cœurs.
L’Homme étant responsable de ses actes devant Dieu, il doit être juste et équitable dans ses rapports avec autrui, notamment s’il est appelé à rendre la justice. En Islam, l’égalité se nomme « équité », et ce terme revient souvent dans les versets coraniques pour rappeler l’éthique qui est contenue dans cette valeur importante dans le sens où elle va bien au-delà des seules règles de droit en vigueur établies par l’Homme, même si elles sont conformes aux prescriptions coraniques.
L’équité en Islam garantit la justice la plus juste dans la mesure où celle des Hommes ne sera jamais complète parce qu’elle présentera des lacunes ou qu’elle s’avérera inadaptée. Elle veille à ce que soit attribué à chacun ce qui lui est dû avec la plus stricte impartialité :
7, [29] : Dis-leur, mon Seigneur ordonne l’équité
16, [90] : En vérité Dieu ordonne l’équité, la charité et la libéralité envers les proches
6, [152] : Observez la juste mesure et le bon poids en toute équité. Nous n’imposons à aucune âme une charge qu’elle ne puisse supporter
L’égalité entre les Hommes, signifie donc égalité entre les êtres humains devant Dieu, au sens où Dieu est justice et que les hommes et les femmes seront jugés en fonction de leurs actes, chacun étant responsable de ses bonnes et de ses mauvaises actions. Aucun musulman n’est comptable des actions d’autrui et les siennes seront jugées en fonction de ses intentions.
Dieu exige de l’Homme qu’il soit juste et équitable envers les autres et qu’il s’élève contre les injustices comme y incitait le Prophète : « Celui d’entre vous qui constate un mal qu’il s’y oppose par l’action ; s’il ne le peut, qu’il s’y oppose par la parole ; et s’il ne le peut, qu’il s’y oppose par son cœur, et c’est là le moindre de ce qu’exige la foi. »
Dieu ne fait pas de préférence entre Ses créatures, sauf concernant la piété et le respect de Ses commandements :
49, [13] : Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle et nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus méritant d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux
Fraternité
Au contraire de « Liberté » et « Égalité », le terme « Fraternité » n’existait pas dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce symbole révolutionnaire était tombé en désuétude avant de réapparaître lors de la révolution de 1848, mais avec une connotation chrétienne qui ne faisait pas l’unanimité. Il faudra attendre le 14 juillet 1880 pour qu’il soit inscrit sur le fronton des édifices publics.
La fraternité est définie comme « le lien fraternel et naturel ainsi que le sentiment de solidarité et d’amitié qui unissent ou devraient unir les membres de la même famille que représente l’espèce humaine. Elle implique la tolérance et le respect mutuel des différences, contribuant ainsi à la paix ».
La référence à la relation humaine lui donne un caractère plus universel que celui de la solidarité, lequel, associé aux termes de tolérance et de respect mutuel des différences, aboutit à une composante qui en fait une valeur fondamentale universelle. Une occasion supplémentaire de rendre hommage à la Révolution française et à la République.
Mais, à la différence de la liberté et de l’égalité, la fraternité ne peut être garantie par la loi, contrairement à ce qu’on pourrait penser en relisant l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme (adoptée par les Nations unies en 1948), qui stipule que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Pour ce qui concerne la notion de fraternité, il faut prendre cet article comme une vive recommandation, plutôt que comme une obligation, compte tenu de sa portée morale et de l’impossibilité de légiférer en la matière.
En France, aujourd’hui, le mot paraît désuet, sauf dans les milieux religieux et dans certaines organisations ou associations, ou alors dans l’armée où on parle de « frères d’armes ».
Que dit l’islam au sujet de la fraternité ?
La fraternité, en Islam, c’est l’appartenance à la famille humaine, à la communauté des croyants musulmans, ayant en partage l’entraide, la compassion et la solidarité.
La fraternité pour les musulmans représente le plus grand dénominateur commun que lui garantit l’appartenance à la communauté et lui sert en même temps de recours devant les accidents ou les malheurs de la vie et devant l’injustice humaine. Elle sert de signe de ralliement pour le musulman où qu’il se trouve dans le monde et lui ouvre la porte de la solidarité (avec des musulmans et des non musulmans) au nom de l’Islam. Le Coran et les hadîth lui accordent autant d’importance qu’à d’autres obligations telles que la piété, la solidarité ou la charité :
49, [10] : Les croyants sont des frères. Établissez la concorde entre vos frères et craignez Dieu afin de mériter Sa miséricorde
3, [103-104] : Attachez-vous fermement au pacte de Dieu et ne vous divisez pas. Rappelez-vous les bienfaits que Dieu vous a accordés lorsque, d’ennemis que vous étiez, il a rétabli l’union entre vos coeurs et a fait de vous des frères par un effet de Sa grâce / Puissiez-vous former une communauté qui prêche le bien, ordonne ce qui est convenable et interdise ce qui est répréhensible.
Le Prophète Muhammad a dit :
« Les musulmans, dans l’amour, la compassion et la miséricorde qu’ils se portent sont comparables à un seul corps. Lorsqu’une partie est affectée aussitôt l’ensemble de l’organisme réagit par la perte de sommeil et la fièvre »
« Aucun d’entre vous n’est un véritable croyant tant qu’il n’aimera pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même »
« Le croyant est pour son frère tel un édifice dont les pierres se soutiennent les unes les autres »
En conclusion : L’équilibre, toujours l’équilibre !
Oui, la liberté existe sous le ciel de France. Oui l’égalité existe, et la fraternité aussi. Mais qui pourrait prétendre qu’on a fait suffisamment de chemin pour arriver à cette société idéale que l’on essaie d’inventer depuis 1789 ?
Certes, le parcours est encore long et tout le monde convient que la France, à l’instar des autres nations, ne peut échapper aux vents contraires et au pouvoir incontrôlable de l’argent dans sa face la moins vertueuse.
Oui, le monde musulman doit sortir de sa torpeur. Oui, l’Islam est à relire d’abord avant de prétendre le réinventer. L’Islam fait appel à la raison et laisse toute latitude à l’Homme pour aller le plus loin possible dans sa quête de la vérité et de la mise en application des valeurs fondamentales du Message.
Oui, l’Islam et la République ont des valeurs communes : Liberté, Egalité, Fraternité.
Les questionnements sur la compatibilité devraient laisser la place, et nous sommes optimistes, à la joie de la cohabitation et de l’enrichissement, et à la complicité de ceux qui se sentent en terrain ami, car ils partagent bien l’essentiel de leurs belles valeurs.
L’Homme doit continuer à réfléchir sur le meilleur équilibre et le meilleur mélange de ses propres valeurs.
La Liberté ne doit pas être vécue sans limite, au détriment de la Fraternité.
L’Egalité ne doit pas être vécue comme un égalitarisme forcé, au détriment de la Liberté.
La Fraternité ne doit pas rester un vœu pieux, marginalisée par une vision discriminatoire de l’Egalité.
Tout est affaire d’équilibre et l’Islam est une religion qui appelle à l’équilibre
L’Islam est-il compatible avec la République ?
La République est-elle compatible avec l'Islam?
Est-il juste et légitime d’opposer ou de comparer l’Islam en tant que religion révélée – et donc œuvre de Dieu – à une construction imaginée par l’Homme – la République – pour décider de la possibilité de leur cohabitation ?
Doit-on comparer deux textes : l’un sacré, le Coran, et l’autre très important mais qui reste séculier et relativement récent, la Constitution ?
Nous n’allons pas poser la question sous cette forme.
Nous allons la poser dans l’esprit qui nous anime toujours :
Identifier ce qui rassemble et qui rapproche pour créer des ponts d’affinité entre les cœurs des Hommes, et leur donner envie de s’entre connaître.
« Liberté, Égalité, Fraternité » ! Trois mots qui sonnent pour nous Français comme une évidence. On ne peut pas imaginer qu’ils ne fassent pas l’unanimité parmi les Hommes, croyants et non-croyants. Les trois religions du Livre, comme les nomme le Coran, prônent évidemment la liberté, l’égalité et la fraternité.
Liberté
La liberté est l’une trois valeurs cardinales constitutives de la République, reconnue par la déclaration du 26 août 1789 comme un droit qui a permis à l’homme de quitter le statut de sujet pour celui de citoyen. L’Homme devenu citoyen va prendre part à la construction de son destin. Il ne subit plus ; il agit et prend conscience de sa responsabilité dans ses choix et ses actes. Il se plie aux lois qu’il aura lui-même élaborées au parlement et accepte les règles du jeu de la démocratie puisqu’il bénéficie de la liberté d’opinion et d’expression, de la liberté de parole, de la liberté du culte et de celle d’entreprendre et de se syndiquer.
Dans son article 1er, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » et précise plus loin, dans son article 4, que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Naître libre, c’est disposer de son destin et exercer son droit dans le respect des règles établies en commun à l’issue d’un processus démocratique choisi. Cette liberté donne à l’homme, en tant qu’individu, le droit de choisir ses croyances, sa vie privée, sa vie familiale, de circuler librement, d’avoir accès à la propriété et au travail, d’exercer le droit de grève, de se syndiquer et de disposer, en tant que citoyen, du droit de vote et de réunion, et de la liberté d’expression.
La Déclaration va encore plus loin dans l’élargissement du champ d’exercice de la liberté, puisqu’elle proclame dans son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ; tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »
On ne peut trouver définition plus complète et plus neutre. Elle rappelle les restrictions à respecter et les limites à ne pas dépasser dans l’exercice de cette liberté, faute de quoi on enfreindrait la loi censée la protéger. On en vient alors à s’interroger sur l’interprétation de cette loi, comme on viendrait mutatis mutandis à le faire au sujet de l’interprétation des versets coraniques.
Dans les deux cas, le moindre risque de dénaturation du sens, fut-elle volontaire, sera mis sur le compte de la faillibilité de l’Homme. C’est en effet lui qui s’est octroyé le droit de « parler, écrire et imprimer librement » et c’est encore lui qui n’hésitera pas à disposer de cette liberté, parfois au gré des circonstances et souvent en s’accommodant d’une interprétation aux contours imprécis de la notion d’« abus de cette liberté ».
Que dit précisément l’islam sur la liberté ?
Omar Ibn al-Khattab, compagnon et ami du Prophète, à qui il succéda comme deuxième calife, avait eu ce mot célèbre à l’adresse de quelques musulmans un peu trop zélés : « Depuis quand asservissez-vous des hommes que leurs mères ont mis au monde libres ? ». Cela se passait quelques siècles avant l’adoption de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, faisant de la liberté une valeur innée avant d’être acquise…
La liberté est entendue à cette époque-là comme liberté de croire ou de ne pas croire, dans une période marquée par la révélation de l’Islam et les premières conversions, mais aussi comme le début du rejet de l’esclavage et le refus de la domination de l’Homme par l’Homme.
Et comme la croyance en un Dieu unique est un terme récurrent dans le Coran, elle est toujours assortie de la notion de liberté pour être validée en tant que choix indépendant de toute contrainte :
10, [99] : Et si ton Seigneur l’avait voulu, tous les Hommes peuplant la terre auraient sans exception embrassé Sa foi ! Est-ce à toi de contraindre les Hommes à devenir croyants ?
On retrouve cette même mise en garde au sujet de la contrainte dans le verset :
2, [256] : Pas de contrainte en religion
L’importance accordée ici à la liberté de choix, et donc à la liberté de croire ou de ne pas croire, sera renforcée quelques années plus tard dans un autre verset :
109, [6] : À vous votre religion et à moi la mienne
Le rapprochement de ces deux versets, révélés dans des circonstances historiques différentes est tout à fait nécessaire, compte tenu de l’importance pour les exégètes de la notion de contexte et de circonstances de la révélation coranique pour une meilleure compréhension du message coranique.
L’Homme est donc tout à fait libre dans le choix de ses croyances pour autant qu’il n’essaie pas d’imposer les siennes aux autres. Il est libre dans l’expression de son opinion et dans la diffusion de ses idées à la condition qu’elles n’encouragent pas la subversion ni la désobéissance civique. On peut être très sceptique devant de telles affirmations quand on connaît l’état de délabrement de la liberté d’expression dans la plupart des pays musulmans, et les restrictions imposées aux citoyens, y compris dans l’exercice du culte.
Sur la liberté d'expression en particulier :
L'islam reconnaît le droit à la liberté de pensée et d'expression pour tous, à condition qu'elle soit utilisée pour propager la vérité et la vertu, et non pour répandre le mensonge et le mal. Il existe donc des limites morales à la liberté d'expression en Islam. La notion de limite à la liberté d'expression est d'ailleurs dans nos lois occidentales (ex. En France, la liberté d'expression est limitée par des garde-fous pour protéger contre la diffamation, l'injure publique, les propos antisémites, les propos incitant à la haine raciale ou faisant l'apologie des crimes...)
Réaction indiquée par le Coran à des injures : Endurance et piété.
3, [186] : Vous serez certainement éprouvés dans vos biens et dans vos personnes. Vous entendrez bien des injures de la part de ceux qui ont reçu les Ecritures avant vous, et de la part des idolâtres. Mais si vous êtes endurants et pieux, vous verrez alors que c'est bien là la meilleure résolution à prendre.
La liberté est une valeur fondamentale en Islam, car elle détermine l’ensemble des actions du musulman pour lesquelles il aura à rendre compte le jour du Jugement dernier, hormis celles accomplies sous la contrainte. Liberté de croire ou de ne pas croire, liberté d’entreprendre, liberté d’expression, liberté d’opinion… mais toutes ces libertés ont des limites énoncées dans le Coran et les enseignements du Prophète, et sont codifiées par la loi islamique.
Égalité
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, article 1er). L’égalité ne peut être dissociée de la liberté. Les deux valeurs font partie du patrimoine de l’individu dès sa naissance. On dirait dans le langage d’aujourd’hui qu’elles sont des « marqueurs » et qu’elles font partie de l’ADN de chaque citoyen français.
Deux valeurs fortes et d’égale puissance, garanties par les lois de la République qui assurent l’accès aux mêmes droits pour tous. L’égalité des chances, à travers l’accès à l’école, à la formation, au travail, au logement, aux loisirs, aux soins, etc. En bref, la justice, dans son acception la plus large, est accessible à tous. Autrement dit, la loi permet à chaque citoyen, sans aucune distinction, de saisir les mêmes opportunités et de bénéficier des mêmes protections.
De 1789 à nos jours, tous les régimes ont essayé sans succès de respecter les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et de veiller à l’application de la loi. Il ne pouvait en être autrement puisqu’il n’existait pas un seul exemple de cette société idéale, y compris dans des régions soumises aux pouvoirs des Églises censées pourtant faire partager aux hommes les idéaux de justice et d’égalité. Les cinq Républiques qui se sont succédées, n’ont jamais réussi à mettre fin à l’arbitraire, à l’abus de pouvoir et à l’injustice, y compris durant les périodes où l’Église, représentant la foi et la parole sacrée, possédait encore un certain pouvoir pour rappeler les valeurs fondamentales du christianisme. Bien au contraire, les représentants du clergé ont tout fait pour sauvegarder ce qu’il leur restait de privilèges après la Révolution de 1789.
Au fil du temps, les hommes et les femmes ont mené de véritables luttes pour conquérir d’autres droits politiques, tels que le suffrage universel masculin en 1848, et féminin beaucoup plus tard, en 1944. Des droits qui nous paraissent aujourd’hui élémentaires, comme les droits économiques et sociaux, n’ont été acquis qu’en 1882 pour le droit à l’éducation, en 1945 pour la protection sociale, et ce n’est qu’en 1946 que tous ces droits seront élargis aux femmes. Sans oublier de rappeler que ces victoires obtenues au nom de l’égalité ne l’ont été qu’après des années de luttes et de sacrifices.
D’autres victoires restent à conquérir telles que l’égalité homme-femme, l’accès au logement, à la santé et aux loisirs pour les plus démunis, la fin des discriminations à l’embauche, de la stigmatisation des minorités, ou encore la réforme de la fiscalité et la protection sociale dont le fonctionnement est fondé, au nom de l’égalité républicaine, sur la redistribution équitable de la richesse nationale et sur un financement équitable proportionnel aux revenus réels des citoyens. À ceux des plus pessimistes qui diront qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, on répondra que l’histoire nous a appris que rien n’est jamais acquis sans lutte et que d’autres combats restent encore à mener dans un monde de plus en plus dominé par la puissance de l’argent et la perte de spiritualité.
Il ne s’agit pas, bien évidemment de faire le procès de la nature humaine, mais de se rendre à l’évidence qu’une société égalitaire et juste relève du rêve et de l’utopie, et de considérer chaque fois comme une formidable victoire toute avancée qui va dans le sens de moins d’injustice et de moins d’arbitraire, et qui applique de la manière la plus équitable possible des lois qui garantissent l’égalité pour tous.
Que dit précisément l’islam au sujet de l’égalité ?
L’égalité est une des valeurs fondamentales du Coran.
Le Coran parle d’« égalité entre les gens » ou « entre les humains ».
Si, dans le monde séculier de la République, on ne doit pas confondre égalité et égalitarisme, c’est encore plus vrai dans le domaine religieux, et en Islam en l’occurrence, puisque Dieu proclame que tous les Hommes ne sont pas égaux et qu’il y aura toujours des riches et des pauvres :
42, [27] : Si Dieu avait prodigué sans mesure Ses richesses aux hommes, ces derniers auraient commis les pires excès sur la terre. Aussi leur accorde-t-il ce qu’Il veut, avec mesure car Il connaît bien la nature des hommes et lit si bien dans les cœurs.
L’Homme étant responsable de ses actes devant Dieu, il doit être juste et équitable dans ses rapports avec autrui, notamment s’il est appelé à rendre la justice. En Islam, l’égalité se nomme « équité », et ce terme revient souvent dans les versets coraniques pour rappeler l’éthique qui est contenue dans cette valeur importante dans le sens où elle va bien au-delà des seules règles de droit en vigueur établies par l’Homme, même si elles sont conformes aux prescriptions coraniques.
L’équité en Islam garantit la justice la plus juste dans la mesure où celle des Hommes ne sera jamais complète parce qu’elle présentera des lacunes ou qu’elle s’avérera inadaptée. Elle veille à ce que soit attribué à chacun ce qui lui est dû avec la plus stricte impartialité :
7, [29] : Dis-leur, mon Seigneur ordonne l’équité
16, [90] : En vérité Dieu ordonne l’équité, la charité et la libéralité envers les proches
6, [152] : Observez la juste mesure et le bon poids en toute équité. Nous n’imposons à aucune âme une charge qu’elle ne puisse supporter
L’égalité entre les Hommes, signifie donc égalité entre les êtres humains devant Dieu, au sens où Dieu est justice et que les hommes et les femmes seront jugés en fonction de leurs actes, chacun étant responsable de ses bonnes et de ses mauvaises actions. Aucun musulman n’est comptable des actions d’autrui et les siennes seront jugées en fonction de ses intentions.
Dieu exige de l’Homme qu’il soit juste et équitable envers les autres et qu’il s’élève contre les injustices comme y incitait le Prophète : « Celui d’entre vous qui constate un mal qu’il s’y oppose par l’action ; s’il ne le peut, qu’il s’y oppose par la parole ; et s’il ne le peut, qu’il s’y oppose par son cœur, et c’est là le moindre de ce qu’exige la foi. »
Dieu ne fait pas de préférence entre Ses créatures, sauf concernant la piété et le respect de Ses commandements :
49, [13] : Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle et nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus méritant d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux
Fraternité
Au contraire de « Liberté » et « Égalité », le terme « Fraternité » n’existait pas dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce symbole révolutionnaire était tombé en désuétude avant de réapparaître lors de la révolution de 1848, mais avec une connotation chrétienne qui ne faisait pas l’unanimité. Il faudra attendre le 14 juillet 1880 pour qu’il soit inscrit sur le fronton des édifices publics.
La fraternité est définie comme « le lien fraternel et naturel ainsi que le sentiment de solidarité et d’amitié qui unissent ou devraient unir les membres de la même famille que représente l’espèce humaine. Elle implique la tolérance et le respect mutuel des différences, contribuant ainsi à la paix ».
La référence à la relation humaine lui donne un caractère plus universel que celui de la solidarité, lequel, associé aux termes de tolérance et de respect mutuel des différences, aboutit à une composante qui en fait une valeur fondamentale universelle. Une occasion supplémentaire de rendre hommage à la Révolution française et à la République.
Mais, à la différence de la liberté et de l’égalité, la fraternité ne peut être garantie par la loi, contrairement à ce qu’on pourrait penser en relisant l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme (adoptée par les Nations unies en 1948), qui stipule que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Pour ce qui concerne la notion de fraternité, il faut prendre cet article comme une vive recommandation, plutôt que comme une obligation, compte tenu de sa portée morale et de l’impossibilité de légiférer en la matière.
En France, aujourd’hui, le mot paraît désuet, sauf dans les milieux religieux et dans certaines organisations ou associations, ou alors dans l’armée où on parle de « frères d’armes ».
Que dit l’islam au sujet de la fraternité ?
La fraternité, en Islam, c’est l’appartenance à la famille humaine, à la communauté des croyants musulmans, ayant en partage l’entraide, la compassion et la solidarité.
La fraternité pour les musulmans représente le plus grand dénominateur commun que lui garantit l’appartenance à la communauté et lui sert en même temps de recours devant les accidents ou les malheurs de la vie et devant l’injustice humaine. Elle sert de signe de ralliement pour le musulman où qu’il se trouve dans le monde et lui ouvre la porte de la solidarité (avec des musulmans et des non musulmans) au nom de l’Islam. Le Coran et les hadîth lui accordent autant d’importance qu’à d’autres obligations telles que la piété, la solidarité ou la charité :
49, [10] : Les croyants sont des frères. Établissez la concorde entre vos frères et craignez Dieu afin de mériter Sa miséricorde
3, [103-104] : Attachez-vous fermement au pacte de Dieu et ne vous divisez pas. Rappelez-vous les bienfaits que Dieu vous a accordés lorsque, d’ennemis que vous étiez, il a rétabli l’union entre vos coeurs et a fait de vous des frères par un effet de Sa grâce / Puissiez-vous former une communauté qui prêche le bien, ordonne ce qui est convenable et interdise ce qui est répréhensible.
Le Prophète Muhammad a dit :
« Les musulmans, dans l’amour, la compassion et la miséricorde qu’ils se portent sont comparables à un seul corps. Lorsqu’une partie est affectée aussitôt l’ensemble de l’organisme réagit par la perte de sommeil et la fièvre »
« Aucun d’entre vous n’est un véritable croyant tant qu’il n’aimera pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même »
« Le croyant est pour son frère tel un édifice dont les pierres se soutiennent les unes les autres »
En conclusion : L’équilibre, toujours l’équilibre !
Oui, la liberté existe sous le ciel de France. Oui l’égalité existe, et la fraternité aussi. Mais qui pourrait prétendre qu’on a fait suffisamment de chemin pour arriver à cette société idéale que l’on essaie d’inventer depuis 1789 ?
Certes, le parcours est encore long et tout le monde convient que la France, à l’instar des autres nations, ne peut échapper aux vents contraires et au pouvoir incontrôlable de l’argent dans sa face la moins vertueuse.
Oui, le monde musulman doit sortir de sa torpeur. Oui, l’Islam est à relire d’abord avant de prétendre le réinventer. L’Islam fait appel à la raison et laisse toute latitude à l’Homme pour aller le plus loin possible dans sa quête de la vérité et de la mise en application des valeurs fondamentales du Message.
Oui, l’Islam et la République ont des valeurs communes : Liberté, Egalité, Fraternité.
Les questionnements sur la compatibilité devraient laisser la place, et nous sommes optimistes, à la joie de la cohabitation et de l’enrichissement, et à la complicité de ceux qui se sentent en terrain ami, car ils partagent bien l’essentiel de leurs belles valeurs.
L’Homme doit continuer à réfléchir sur le meilleur équilibre et le meilleur mélange de ses propres valeurs.
La Liberté ne doit pas être vécue sans limite, au détriment de la Fraternité.
L’Egalité ne doit pas être vécue comme un égalitarisme forcé, au détriment de la Liberté.
La Fraternité ne doit pas rester un vœu pieux, marginalisée par une vision discriminatoire de l’Egalité.
Tout est affaire d’équilibre et l’Islam est une religion qui appelle à l’équilibre